Hélène en toute femme

Peinture et discours
Chaque volet de l'exposition présente le dialogue entre un peintre, Maunce Matieu, qu'on a souvent qualifié de métaphysique parce qu'il rend visible des thématiques abstraites, voire franchement philosophiques, à partir de son expérience de mathématicien, et un philosophe, autour d'un personnage emblématique. Barbara Cassin se fait le relais et l'interprète des discours du mythe, de l'épopée, de la tragédie sur Hélène de Troie. Pierre Verstræten se fait le critique du discours de l'histoire, de l'hagiographie historique, des valorisations politiques et sociologiques sur Robespierre. Les textes et les tableaux ont été travaillés ensemble, non comme des illustrations les uns des autres, mais comme des ordres en résonnance explorant leurs possibilités propres.

Les effets du passé
Il s'agit à chaque fois, selon la technique propre à Maurice Matieu, d'inventer, penser et rêver à partir d'éléments existants: Hélène sur les vases, Hélène dans les textes, et d'abord dans l'immense corpus grec. Ou les masques de Robespierre, de son vivant puis sur son lit de mort, et les témoignages, les vies, les récits autour de Charlotte Corday, de Thermidor.
La trame consiste à nouer le passe mythique ou historique à ses effets présents, modernes et contemporains.

Autour d'Hélène, le fil conducteur est une réflexion sur le rapport entre le mot et la chose, à partir de la duplication d'Hélène mise en scène par Euripide, qui distingue l'Hélène réelle, demeurée en Egypte fidèle à Ménélas, et le nom d'Hélène, simple fantôme, eidolon, mais pour lequel les guerriers moururent à Troie-où la chose est moins réelle que le mot, parce qu'elle a moins d'effets. Par là, c'est toute une réflexion sur la séduction, la voix, le vêtement l'action et la passion, et bien sûr la sexualité féminine, qui s'engage à travers des textes qui vont d'Homère à Lacan. "Voir Hélène en toutes femmes", dit le Méphistophéles de Faust : le parcours conduit en mots et en images, via quelques grandes incarnations d'Hélène ou de bouts d'Hélène (la statue sans bras de Ur-Nina vers 2645, Nini la minaude de Dubuffet, ou la-femme-aimée du peintre lui-même), à quelques grands avatars comme Marie-Madeleine, putain et docteur de l'Eglise et jusqu'à nos poupées gonflables;

Autour de Robespierre, c'est de l'homme et des hommes qu'il est question, montrés dans leur rapport singulier et universalisable au politique, à la contingence de l'événement, à la violence, à la vérité. A travers cette figure complexe, tout notre passé révolutionnaire, sens et contre-sens, se trouvent réinterrogé.