Quatrième et dernière lettre à Eduardo Arroyo.

La vérité, ou le trou du cul de Dieu.


La vérité, ou le trou du cul de Dieu, côté levant

Evangile selon Saint Jean
Jésus devant Ponce Pilate.
Quiconque est avec moi est dans la vérité.
Ponce Pilate. Qu’est-ce que la vérité ?
Je reste aux côtés de Pilate assis près de lui
Prétendre à la vérité c’est se mettre en file indienne, même en toge laïque, voire en soutane matérialiste derrière cette invention paralysante, l’idée de Dieu et son trou du cul, la Vérité.
La vérité conduit aux mêmes exactions qu’elle soit athée ou religieuse. Saint Augustin voit dans la mort d’un enfant l’expiation du péché originel. Pol Pot exécutera des centaines de milliers de Cambodgiens pour l’émergence d’un homme communiste. Il fera photographier les détenus à leur arrestation et après leur exécution et entreposera les dossiers.
Il n’y a pas d’ensemble de tous les ensembles, il n’y a pas d’origine, il n’y a rien qui engloberait un tout. L’univers, le monde sont hétérogènes et il faut le voir ainsi.
La seule valeur est la curiosité du regard.
Je terminerai notre projet par quelques dessins et si j’en ai le temps par quelques huiles sur La Vérité ou le trou du cul de Dieu. Je l’habillerai des costumes en hayons des acteurs de la pièce de Jean Genet Les Paravents. Je la dessinerai toujours double comme dans les stèles antiques regardant chacun de son côté, je l’habillerai en tenue de camouflage, je la ferai en maître à penser, en bourgeois ventru. Je l’étendrai au monde en l’habillant des brulures par irradiation des enfants d’Hiroshima. Tous sont là pour tous les meurtres commis ou à commettre. Le monde devient con s’il ne réagit pas, s’il se laisse mener par ceux qui croient savoir.

En mémoire du suicide par pendaison d’un adolescent.
Tout visage d’un mort est lisse et apaisé.
La mort se regarde de face comme le soleil.
Les muscles abandonnent et pour le corps c’est le relâchement, les abdominaux ne soutiennent plus les intestins, ce que le visage cache le corps le dévoile.
Les chaussures de Vincent Van Gogh, ce petit tableau, que je ressens comme des chaussures en attente d’un corps pour une crucifixion. Mais où est la nécessité de nous faire accroire la vérité ?

Je ne crois même pas qu’il y ait une vérité scientifique. Il y a une exactitude scientifique, une conformité au modèle toujours remise en question. Les Mathématiques n'ont que faire de la vérité, elles vivent leur destin et peut être nous dévoilent-elles ce qui nous constitue ? Le monde, les hommes et la nature sont en attente d’organisation. Le câble de l’aspirateur nous en alerte en s’accrochant désespérément à tout ce qu’il rencontre.

La peinture est comme le fil de l’aspirateur elle doit s’accrocher à tout. Etre présente partout et éviter ce qui fait pour le moment sa faiblesse, le style, la signature. Elle doit être aussi hétérogène que le monde. Lui rappeler qu’il n’y a rien à gagner de l’homogénéisation, que son hétérogénéité est sa survie. Son homogénéisation un suicide.

Moise menant en bateau les compagnons d’Ulysse dans le désert ou Ulysse emmenant dans son périple méditerranéen les juifs qu’il a sorti d’Egypte.


La vérité 1

Maurice Matieu